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Pourquoi et comment se pardonner en famille ?

Pardonner ou ne pas pardonner ?

Il y a quelques temps, l’un de mes enfants a cassé le jeu préféré de l’autre. Il est allé s’excuser, mais ma fille lui a répondu « non ! Je ne te pardonne pas ! » et mon fils en a été totalement remué.
Comment sa sœur pouvait-elle refuser de lui pardonner alors qu’il s’était VRAIMENT excusé, avec toutes les bonnes formules « je suis désolé d’avoir cassé ton jeu. J’aurais dû en prendre soin. Que puis-je faire pour réparer ? Et aussi, tu veux bien me pardonner ? »

Les questions que cela me pose : pardon et excuses, est-ce la même chose ? Et y-a-t-il un intérêt à pardonner ou est-ce mieux de s’excuser ? Pourquoi dit-on que pardonner est d’abord un cadeau que l’on se fait à soi. Et enfin, est-ce vraiment important en famille, puisque de toutes façons.. on s’aime ?
Pardon, excuses… même combat ?

 
Et non ce n’est pas la même chose. En fait, l’un concerne celui qui a fait du mal et l’autre concerne celui qui a eu mal : imaginez une ficelle qui relie deux personnes. L’un des deux fait quelque chose qui blesse l’autre ; par exemple il casse son jeu préféré. C’est comme s’il avait coupé le lien qui les
réunissait. L’autre, le blessé, se retrouve avec son bout de ficelle dans la main, sans doute un peu sidéré, sans forcément comprendre ce qui s’est passé.

Celui qui s’excuse doit donc être celui qui a COUPE le lien : en s’excusant, il propose à l’autre de rétablir la relation entre eux, en faisant un nœud
à la ficelle. Pour cela, il va pouvoir utiliser l’un des 5 « messages d’excuse » dont nous parle Gary Chapman dans « les langages de la réconciliation » :
– Reconnaitre son erreur
– Dire que l’on est désolé
– Proposer de réparer si c’est possible
– Promettre qu’on va tenter de ne pas recommencer (et parfois dire comment on va faire)
– Et demander à l’autre « acceptes-tu de m’excuser ou de me pardonner » ?

Bref, à peu près tout ce qu’a (très bien) fait mon fils avec sa sœur.
Dire l’une de ces choses ou plusieurs n’est pas simple… et s’apprend. Mais n’est en aucun cas garantie de succès. Car celui qui va accepter… ou non… que le nœud soit fait là où la corde a été coupée est celui qui a été blessé.

Il y a d’ailleurs deux éléments dont on parle peu avec ce nœud :
une corde lisse et une corde avec un nœud ne se ressemblent pas : le nœud ne veut pas dire qu’on « colle » les deux bouts de ficelle ensemble et qu’ensuite on repart comme si rien ne s’était passé : le nœud se voit. Il ne veut pas dire que celui qui a été blessé a oublié. Ni que celui qui a blessé a oublié ce qu’il avait fait ; Et donc oubli et excuses ou pardon sont des choses différentes. Et l’autre élément du nœud, que je trouve tout à fait intéressant… c’est qu’un nœud à une corde : raccourcit la corde, et donc… rapproche ceux qui en tiennent un bout. 
 
Donc c’est déjà un des éléments positifs du pardon et de son nœud : il peut, quand il est donné vraiment, avec cœur, rapprocher les protagonistes… (ce n’est certes pas une raison pour faire exprès de blesser quelqu’un… car ça ne fonctionne pas à chaque fois…et ce serait tout de même très limite comme attitude de faire cela…)

Est-ce mieux de s’excuser ou de pardonner ?
On ne peut pas mettre d’échelle de valeur entre les deux. Ce qui est certain, c’est qu’il est très compliqué de pardonner à quelqu’un qui ne s’est pas d’abord excusé. Et donc à cette question, je répondrai par un ordre et non par un niveau d’importance : on commence par s’excuser, et le pardon peut venir – ou non – après !

Pourquoi dit-on que pardonner, c’est d’abord un cadeau que l’on se fait à soi ?

Je vais prendre une nouvelle image. Imaginons un être humain. Et un autre qui lui envoie une flèche dans le corps… ou dans le cœur.
Celui qui a envoyé la flèche est celui qui a blessé. Celui qui a reçu la flèche EST blessé. Celui qui a blessé peut proposer de venir enlever la flèche ou ne pas venir le faire.

Et celui qui a la flèche peut choisir de la garder : ça fait tellement longtemps que j’ai cette flèche, je me suis habitué, elle donne du sens à ma vie (surtout si j’y mets toute ma haine : ça tient en vie la haine). Ou bien j’ai déjà eu mal quand je l’ai reçue, j’ai trop peur d’avoir de nouveau mal quand on va me la retirer ou bien c’est trop tôt, j’ai d’abord besoin d’accepter ma douleur avant de pouvoir accepter de la soulager. Et même, je peux garder tout un tas de flèches sur moi, comme cela je
deviens comme un porc-épique
: au bout d’un moment, plus personne n’ose s’approcher de moi, parce que je me protège… et même parfois je fais un peu peur… « qui s’y frotte, s’y pique » comme le dit si bien l’emblème de Louis XII. Mais bien entendu la vision de la réalité que j’ai alors est impactée par ces flèches que je garde.

Et puis je peux choisir de laisser l’autre tenter de venir retirer cette flèche ou bien tenter de la retirer moi-même. La retirer, c’est cela pardonner : c’est accepter que l’autre nous ait fait du mal. C’est ne pas oublier ce qu’il m’a fait, mais accepter de retirer cette flèche qui finalement m’empoisonne moiplus que l’autre : car l’autre, il l’a lancée cette flèche, il peut en être contrit ou pas du tout, mais ce qui est certain, c’est que lui ne l’a plus…donc il est plus allégé que moi.

Ainsi, quand je pardonne : c’est d’abord à moi que je fais du bien. On pourrait presque dire que c’est égoïste de pardonner… puisque c’est penser à soi, avant de penser à l’autre.

Mais ceux qui ont déjà pardonné le savent :
c’est en effet très puissant pour retrouver le bonheur de vivre. Et si cela me fait du bien à moi, cela en fait aussi à celui qui est pardonné : il peut – enfin – lâcher sa culpabilité s’il en ressentait ou bien être touché par cette Humanité si grande que l’autre lui accorde et grandir ainsi lui aussi en humanité. Et, je le répète, pardonner n’est pas oublier….

Et en famille alors, est-ce vraiment important puisque de toutes façons on s’aime ?
L’amour n’est pas concerné par les excuses et le pardon. Pas besoin d’amour pour s’excuser, pas besoin d’amour pour pardonner. Mais quand on s’aime, est ce que ça change quelque chose ?

Et bien pour moi, les excuses et le pardon sont d’autant plus importants,

Car s’excuser c’est :
– si on est un adulte : donner l’exemple à nos enfants
– si on est un frère ou une sœur : un bel apprentissage de vie et une belle valeur.

Et pardonner c’est :
Se donner une chance de se rapprocher. Car à mon sens, il n’y a rien de plus précieux que la famille.

Quoi que l’on vive, quoi que l’on fasse, savoir que l’on est aimé et que l’on aime… c’est un super pouvoir ! Et ce super pouvoir est encore plus fort lorsque l’on est proche. Et rappelez-vous : le nœud du pardon va permettre de se rapprocher. Mais retirer les flèches que l’on a planté en l’autre ou que l’on a reçues, c’est aussi permettre de vivre des relations familiales plus simples, plus vraies : notre amour a résisté même à « l’offense », même à la blessure que l’autre m’a infligée.

Se pardonner en famille est donc pour moi, l’un des plus beaux gestes d’amour que l’on peut offrir à son frère, sa sœur, son enfant ou son parent. Alors… aimez-vous, excusez-vous et pardonnez-vous !

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