Avant tout, il convient peut-être de se demander à quoi sert le sens critique ou même l’esprit critique ? A critiquer ? Seulement critiquer ? Pas très positif cela… et puis sincèrement les ados n’ont pas besoin de nous pour apprendre à critiquer.
En réalité, pour le Larousse, c’est : » la faculté de juger de la valeur de quelque chose après l’avoir soumis à un examen préalable. »
C’est à dire que cela consiste à aider nos enfants à analyser, confirmer ou infirmer des informations et ensuite poser son propre jugement. Et cela n’est pas simple… Parce qu’en toute honnêteté, nous – les adultes – ne sommes pas forcément de très bons modèles en la matière.
Pourquoi cet esprit critique est-il difficile à développer ?
Personnellement – et cela n’engage que moi – je vois deux raisons essentielles qui concernent les adultes
1) l’être humain a toujours tendance à tout faire, tout croire… pour donner raison à ses croyances.
C’est ce que l’on appelle le « biais de confirmation » ; voici ce que dit Wikimédia sur ce fameux biais : « C’est le biais cognitif qui consiste à privilégier les informations confirmant ses idées préconçues ou ses hypothèses ou à accorder moins de poids aux hypothèses et informations jouant en défaveur de ses conceptions, ce qui se traduit par une réticence à changer d’avis. […]Les biais de confirmation apparaissent notamment autour de questions de nature affective et concernant des opinions ou croyances établies. Par exemple, pour s’informer d’un sujet controversé, une personne pourra préférer lire des sources qui confirment ou affirment son point de vue. Elle aura aussi tendance à interpréter des preuves équivoques pour appuyer sa position actuelle. »
En gros, si je suis de gauche, je vais faire plus confiance à un média de gauche pour forger mon opinion sur des faits et si je suis de droite… et bien c’est l’inverse.
Nous avons d’ailleurs un modèle très récent qui peut nous éclairer, et a coupé la France en deux camps : « les pro vaccination Covid et les anti vaccination Covid ». Chaque camp s’appuyant sur les preuves venant étayer ses croyances pour valider son choix.
Or ceci vient directement toucher le 2ème point qui rend le sens critique compliqué :
2) Nous sommes surchargés d’informations par les médias :
– Que ce soit à la télévision avec les chaines d’information continue, à la radio, sur les réseaux sociaux : nous sommes en permanence incités à penser en fonction de ce que les médias nous expliquent. Or cela est – toujours à mon sens – problématique pour deux raisons : l’objectif des médias est de nous garder devant notre écran (quel qu’il soit) ou notre radio. Pour cela, ils s’appuient sur les recherches en neurosciences et savent qu’un cerveau qui est mis « sous stress » aura plus tendance à être soit figé et donc ne bougera pas, soit inquiet et va rester pour trouver un moyen de se rassurer. (je ne vais pas rentrer ici dans un cours sur le cerveau, mais soyez certain que les médias vont vers cela. Par exemple en utilisant la « vitesse et rapidité » de traitement de l’information). Bref, leur intérêt, pour pouvoir vendre des espaces publicitaires très chers à des annonceurs très intéressés, est avant de tout de nous faire peur (ou d’être les seuls à nous proposer un programme extraordinaire et unique, mais la finale de la coupe du monde de foot – avec la France en finale en plus – ce n’est pas tous les jours et ça ne suffit pas).
– de plus il y a aussi les algorithmes des réseaux sociaux : dès que nous cliquons sur un site, que nous passons un peu plus d’une demi seconde à lire un post… c’est analysé et ces fameux algorithmes vont nous présenter des contenus proches de celui que nous venons de regarder.
Et donc… ces deux éléments font que pour nous aussi, le sens critique est compliqué : nous sommes fortement influencés par les médias et les réseaux sociaux.
Alors pourquoi développer ce sens critique chez nos enfants ?
Parce que l’esprit critique rend libre ! En effet, il permet de réfléchir en sachant rendre aux « influenceurs » leur juste place, et non « toute la place ». Parce que sans sens critique, on peut très vite finir par se faire « embarquer » dans des chemins qui ne seront pas forcément les meilleurs pour soi. Parce qu’un bon sens critique permet aussi, finalement d’améliorer son estime de soi, puisque l’on a pu réfléchir, évaluer et prendre des décisions personnelles.
Mais comment faire ?
1) prendre du recul sur les résultats des problèmes scolaires à résoudre :
avec mes 4 enfants, j’ai souvent été surprise du manque de recul dans les résultats de leurs problèmes. Par exemple, l’un de mes enfants pouvait être fier d’avoir résolu un problème de maths en trouvant que pour faire un gâteau pour 8 il fallait 1000 kgs de farine, 1 oeuf et 150 kg de beurre.
Lorsque ce genre de choses arrivait, je demandais : « arrives-tu à te représenter un gâteau pour 8 personnes ? C’est comme le gâteau que nous avons mangé pour tel anniversaire. Et 1000 Kgs de farine, à ton avis, ça tient dans quel type de récipient ? ». ils arrivaient généralement à voir l’incohérence de leur réponse. Ce questionnement sur « la logique de leur réponse », je l’ai utilisé en maths mais aussi dans toutes les autres matières ; et je trouve que lorsque nous leur apprenons à faire cela… et bien nous leur donnons le meilleur outil possible pour démarrer leur sens critique : le recul.
2) apprendre à se demander « pourquoi ».
Avant de faire quelque chose, se demander « pourquoi » je veux le faire peut être très aidant. Et permet souvent d’ailleurs de lutter contre l’un des fléaux de notre société : les addictions aux écrans.
« pourquoi allumes-tu l’ordinateur ? Que veux tu y faire ? » ce n’est pas un jugement, c’est un apprentissage. Idem avec le téléphone portable « pourquoi le prends-tu ? Pour aller voir tes messages, pour faire une recherche sur internet pour l’école, pour te détendre ? ». L’idée est ici de les habituer à se poser la question… et aussi les inciter (forcer ?) à poser leur téléphone quelques minutes avant de faire la deuxième chose : « OK, tu vas faire une recherche pour l’école. Quand tu as terminé, tu poses ton téléphone 3 minutes et tu pourras le reprendre pour aller te détendre. »
L’idéal serait de pouvoir rajouter à ce « pourquoi » un « pour combien de temps en as-tu ? ».
Mais le « pourquoi » peut aussi être utilisé pour poser d’autres questions « pourquoi choisis tu cette langue ? Pourquoi veux tu aller en ville ? Pourquoi acceptes tu l’invitation à cette soirée ? ». Je le répète, il ne s’agit pas ici de faire preuve d’autorité et d’interdire (c’est un autre sujet) mais de développer le sens critique.
3) valider les sources et les dates :
Avant de croire quelque chose, voire de le republier, il est bon de savoir quelle en est la source, à quelle date l’information a été écrite et qui l’a écrite. Hors cela n’est pas toujours évident sur les réseaux… mais si je peux aider mes enfants à faire cette recherche de façon systématique… je les aide à avoir une information fiable.
4) poser la question inverse à ce que l’on veut penser / écrire / croire.
Reprenons l’exemple du covid et de la vaccination : Si je crois qu’il était absolument nécessaire de vacciner tout le monde, je pourrai me demander – et chercher sur internet – pourquoi il est dangereux de vacciner tout le monde. Et vice versa. Ainsi j’aurais accès d’abord à l’information qui va venir confirmer mon choix, puis à une information qui va venir faire contre-balancier. Et alors, riche de ces deux informations, je pourrai analyser… et choisir ce à quoi je veux croire. Au moins, ce sera un vrai choix personnel.
Vous pensez que c’est trop ? Ou que c’est trop tard ? Rassurez-vous , nos amis Québécois le disent bien « tout se joue…avant la mort ». Donc même avec vos très grands ados… vous pouvez démarrer.
D’ailleurs de mon côté je me dépêche : je vais vite retrouver mes enfants..j ai plein de choses à reprendre sur le sujet 😉
Ping : Il faut le voir pour le croire... - Coach-Famille
Ping : Il faut le voir pour le croire… – Coach Famille