Chacun de mes clients m apporte beaucoup. A chaque fois. Parfois je reçois beaucoup d’amour, toujours bcp de confiance.. parfois je vais faire appel à ma patience, mon intelligence ou ma créativité.
Mais aujourd’hui j’ai envie de partager avec vous la réaction d une maman qui m’a un peu réappris mon métier… il y a quelques semaines.
Je reçois cette jeune fille de 11 ans pour des problèmes de sommeil. Il faut dire qu’elle a eu des choses très difficiles à vivre plus jeune. Les choses s’ améliorent et – Appelons-la Laura – me dit que c’est un peu compliqué avec ses copines. Elle en a 3, mais l’une d’elle n est pas toujours très sympa avec elle. « Mais ça va, rien de grave« .
Sauf qu’un soir la maman de Laura m appelle affolée : elle vient d apprendre par une mère de camarades de classe de Laura que X la frappe chaque jour violemment : coups de pieds, coups de poings, etc. « Que dois-je faire ? Dois-je appeler la mère de cette copine ? ».
Mon 1er conseil a été d attendre avant de faire quoi que ce soit et d en parler à sa fille. Et ensuite de préférer contacter l établissement qui a la responsabilité de la sécurité de ses élèves.
Le soir, la maman de Laura lui en parle, celle-ci raconte en disant « je ne m’étais pas vraiment rendue compte que c’était grave » et dit qu’elle est OK pour que l établissement soit prévenu.
Or, par hasard et dans un cadre professionnel, la mère de Laura et de X se rencontrent. La mère de Laura se sent obligée de parler de la situation à la mère de X, qui tombe des nues » je vais défoncer ma fille » dit elle sous le choc. Et le soir elle hurle sur sa fille qui nie absolument.
Je suis alors de nouveau consultée pour savoir que faire, car Laura craint de se retrouver le lendemain face à sa harceleuse. Elle a peur que ça lui retombe dessus. Que doit-elle lui dire si X l’attaque ?
Les réponses que j’avais envie de faire :
– demain ( on est à la veille des vacances), n envoyez pas Laura au collège.
– Rappelez le collège pour qu’ils assurent la sécurité de votre fille.
– je réfléchis à une riposte qui pourrait faire arrêter X. Une riposte pas méchante mais « bien sentie ».
– Et je pourrai moi aussi appeler le collège pour leur parler.
Et c est là que je prends une leçon. En fait, cette maman ne voulait pas de mes réponses, elle voulait savoir ce que je pensais de ce qu’elle avait déjà fait et dit. Voici donc le discours de cette formidable maman :
– « J ai eu au téléphone la mère de X qui m’a raconté que sa fille niait. Je lui ai juste dit que je n étais pas étonnée car elle avait été très agressive. Qu’à sa place je retournerai voir ma fille apaisée en disant : je sais ce que tu as fait. Je ne sais pas pourquoi. Mais ce que je sais c est que l’erreur est humaine. Tu n’aurais pas du agir comme cela. Mais ce qui est fait est fait. La seule chose que je te demande maintenant c est d arrêter. »
– Je vais envoyer ma fille au collège. En effet, si je ne le fais pas c est comme si j’envoyais le message à ma fille : tu es trop fragile et faible pour faire face. (chose contre en effet je me bats : faire croire à une cible de harcèlement qu’elle est trop faible)
– j’ai dit à ma fille de répondre : »ce que tu fais est inadmissible. Être une amie ce n est pas se comporter comme ça. Tu arrêtes immédiatement ou nous ne sommes plus amies » Et si X ou les élèves de ta classe te traitent de « balance » tu pourras répondre » ah parce que vous c’est comme ça que vous traitez vos amis ? En les frappant ? J’en ai en effet parlé aux adultes pour faire arrêter cette situation inadmissible. »
– Ma fille m’a dit « je ne m’étais pas rendue compte que c’était grave ce qu’elle me faisait« . Et je lui ai répondu : « personne n’a le droit de frapper les gens. Mais ce sont des choses qui arrivent parfois. Ce n est pas grave si ça s’arrête vite. »
– Et pour le moment je ne vais pas rappeler le collège et je vous remercie de ne pas le faire non plus : en effet, si j’en rajoute à ce qui a déjà été fait, si je conforte ma fille que c’est grave, je vais créer un traumatisme dans son enfance (et elle en a déjà eu assez). Quand elle sera grande je veux qu’elle se rappelle – ou non- de cet épisode comme quelque chose de désagréable. Mais si possible pas comme in traumatisme qui a abimé toute son adolescence.
Par contre si ça continue, alors en effet, nous irons plus loin.
Qu en pensez-vous ? »
Et bien je n ai pu que lui dire à quel point j’étais admirative.
En effet, je suis tellement dans mon cadre professionnel : je vis « harcèlement » tellement souvent avec les formations que je donne aux écoles, les conférences aux parents et les consultations aux jeunes… que j’en arrive parfois à vouloir agir un peu trop vite.
Et cette maman m a permis de me rappeler quelque chose de fondamental : mon rôle c’est avant tout de ne pas créer ou ancrer de traumatisme chez les jeunes concernés. Et donc prendre parfois un peu de recul avant de sortir « l’armurerie lourde ». Cela, ça ne devrait arriver qu’après avoir tout essayé pour que les choses se règlent facilement.
Bref, ce qui doit nous pousser à agir, c’est la souffrance de nos enfants. Mais agir ne veut pas dire « porter plainte ». Agir, ça peut être de dire les choses simplement, comme ici « cette situation doit s’arrêter ». Ou bien ça peut être de dire « c’est difficile de vivre un chagrin d’amitié. C’est aussi difficile que de vivre un chagrin d’amour. Je comprends que tu souffres. Je suis là pour toi ». Mais pas forcément, tout de suite, plus.
Les vacances sont terminées dans ma zone, et Laura retourne aujourd’hui au collège. J’attends de ses nouvelles dans la semaine pour savoir comment elle va, et comment ç se passe avec X. Bien entendu, si X n’arrête pas, alors je serai là pour accompagner et aider. Mais je croise les doigts pour que ce ne soit pas nécessaire.