Tout d’abord, soyons précis : je ne suis pas contre cette fête. Ce qui me gêne c’est que l’on remplace la fête des mères par cette fête.
Voici pourquoi :
Tout d’abord parce que je pense que « les gens qu’on aime », on devrait pouvoir les fêter tous les jours. Leur dire « je t’aime », « merci », « tu me manques ». Inutile d’attendre une journée spéciale pour cela… Ni le 14 février, ni la fête des mères ne sont nécessaires. On devrait d’ailleurs faire pareil avec nos mères… mais c’est justement rarement le cas…
Et puis, si je reprends les raisons de ceux qui veulent transformer cette fête : « cela rend triste les enfants qui n’ont pas de maman à fêter ».
A mon sens, on mélange tout. Tout d’abord parlons de ces enfants qui n’ont pas de maman à fêter.
Pourquoi ? Parce qu’ils ont deux papas ? Mais alors cela voudrait dire qu’un enfant a absolument besoin d’un papa et d’une maman. Que deux papas, ce serait donc moins bien ? Sic… 😭
Et puis il y a les enfants qui ont eu une maman, et qui ne l’ont plus ou ne peuvent plus la voir. Cela est triste. VRAIMENT triste. Et bien sûr que c’est très difficile à vivre pour un enfant. Moi dont le métier est d’accompagner les enfants / ados et familles qui vont mal, je ne vais certes pas minimiser leur douleur. Mais refuser que la totalité des enfants fêtent la fête des mères, c’est se tromper de combat :
- Ce n’est pas cette fête qui est douloureuse, c’est le manque de maman
- C’est vouloir protéger l’enfant de quelque chose sur lequel nous n’avons pas de pouvoir : sa douleur.
- Et c’est mettre l’enfant au centre et non la maman… comme on le fait tellement souvent dans notre société actuelle. Trop à mon sens. Mais cela sera le sujet d’un autre article.
Or la fête des mères, ce n’est pas la fête des enfants. C’est la mère qui est au centre : C’est LE jour où l’on va célébrer, remercier cette maman qui est si importante dans la vie d’une famille. Non les mamans ne font pas ce qu’elles font pour recevoir des remerciements. Elles le font par amour. Et Dieu sait qu’il en faut de l’amour ET du courage (ou de la force) pour être maman. Je ne connais pas une seule maman qui n’ait pas, à un moment, souffert, eu peur, eu des nuits blanches, des incompréhensions, des colères contre ses enfants ou contre ceux qui les entourent. Les mamans supportent beaucoup de choses : la tristesse de leur enfant, leurs maladies, leurs difficultés, leurs échecs… et bien sur leurs réussites et bonheurs aussi. Quand on demande aux mamans ce qu’elles souhaitent le plus pour leur enfant : « qu’il soit heureux, et cela me rendra heureuse » est la réponse de près de 90% d’entre elles. Elles oublient alors que le bonheur ne dépend pas uniquement d’elles, mais est bien quelque chose de personnel. Cependant, on le voit : le bonheur de nos enfants c’est ce qui nous fait tenir… tout le reste du temps.
Je lis souvent « on ne naît pas maman, on le devient ». C’est vrai, une maman « en théorie » n’est pas une maman. Vous connaissez cette phrase : « avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants ». C’est facile de gérer la jalousie de ses enfants, leurs repas équilibrés, leurs jeux et loisirs… quand on n’a pas d’enfants à soi. Toute maman sait à quel point la réalité est différente. Et pourtant, une très grande majorité des mamans sont là, tels des phares pour la famille. Des phares parfois sans lumière, parfois un peu tordus par les tempêtes, parfois aux pieds d’argile, mais des phares. A changer les couches, se lever la nuit, accompagner les apprentissages (y compris ceux de la vie en société), à préparer les repas, conduire aux activités… Heureusement de plus en plus soutenues par leur conjoint. Mais tout de même, toutes les études le prouvent : la charge mentale, c’est avant tout la MERE qui la porte.
Pour certaines la charge est trop lourde. Alors elles baissent les bras, elles s’en vont, elles ne mettent plus de limite. Peut-on les en blâmer si l’on ne sait pas à quelles difficultés elles ont été confrontées ? Les indiens disent « on ne peut pas juger quelqu’un si l’on n’a pas passé au moins 21 jours dans ses mocassins ». Bref, on ne peut PAS juger la vie de quelqu’un d’autre. On n’a jamais tous les éléments en main. Et ces mamans en difficultés, est-ce que ça ne les aiderait pas, elles aussi, de recevoir un « merci » ou un « je t’aime » ?
Or dans le quotidien, à quel moment le reconnait-on ? A quel moment le valorise-t-on cette force des mamans ? Quel enfant va, naturellement dire à sa mère : « maman, je sais que tu es fatiguée, que tu passes un mauvais moment au travail… et pourtant tu es là pour mes devoirs ou mon sommeil agité. Merci. » Pas beaucoup. Ou pas souvent. On le sait, nos enfants nous aiment de façon inconditionnelle. Ils nous aiment souvent mieux que nous les aimons. Ils nous aiment à notre place, ils nous aiment quand on ne l’est plus. Ni trop, ni trop peu. Mais ils le disent peu, et ne le montrent pas toujours.
Alors ne peut on conserver UNE date dans l’année ou cela sera ainsi ? Ou les mères que nous sommes sont fêtées, chantées, remerciées ? Chaque enfant qui a la chance d’avoir sa maman peut lui offrir, avec un cadeau symbolique ou recherché, une preuve de son amour, de sa reconnaissance. Lui dire un « merci ». Parce que ce « merci », ce « je t’aime », c’est le carburant qui nous fait tenir… qui nous maintient « droite » face aux difficultés de la maternité. Et une fête qui célèbre TOUTES les mères donne encore plus de force à ce symbole.
Donc OUI, je milite activement pour que cette fête des mères reste LA fête des mères (sans oublier ni qui l’a créé, ni qu’elle est devenue, en partie, une fête commerciale… comme tant d’autres). Imaginons d’ailleurs que ce soit la fête des gens qu’on aime. Et que notre enfant est en colère contre nous, mamans. Il peut alors se venger en offrant un cadeau à sa grand-mère ou son père ou son frère ou sa maîtresse. Et nous, nous allons souffrir en silence de ce manque. Et nous allons en pleurer, silencieusement, sans que personne ne nous voit, aux toilettes ou dans notre lit.
Bien sûr, je le répète, il y a des drames humains. Y compris pour les enfants. Mais les maîtresses – je les connais bien les maîtresses, je travaille souvent avec elles – n’auraient plus cette délicatesse qu’elles ont toujours eue ? Celle de s’approcher de l’enfant qui n’a pas de maman à fêter, et lui dire à l’oreille, comme on dit un secret qui rapproche celui qui le dit et celui qui le reçoit : « je sais que c’est difficile pour toi. Y aurait-il quelqu’un que tu aimerais célébrer ? Veux-tu faire ce cadeau pour ta maman, et tu le laisseras là, ou tu iras le mettre sur sa tombe, ou tu lui enverras ? Ou bien préfères-tu que ce cadeau soit pour ton père, ton éducatrice ou ta tante ? ». Ainsi l’enfant sera reconnu, individuellement, dans sa douleur. Et il pourra continuer à traverser ce qui est son grand malheur : n’avoir pas de maman à souhaiter.
Alors hier c’était la fête des mères, je l’ai souhaitée à toutes les mamans, même celles qui ne l’ont pas entendu. Et aujourd’hui je le redis : Bravo à vous, toutes les mamans du monde, parce que votre amour peut transformer un enfant, votre amour peut supporter beaucoup, votre amour est parfois écorché et pour autant il reste vivant. Et Bonne Fête ❤️